jeudi 11 janvier 2007

L’attaque néo-libérale contre la diversité culturelle

L’activiste et auteur A. Sivanandan est né à Sri Lanka mais vit et milite en Angleterre depuis 1958, l’année des émeutes raciales du quartier de Notting Hill à Londres. Il est le fondateur de la revue Race and Class et directeur de l’Institute of Race Relations (1) à Londres. Il a publié de nombreux textes sur l’expérience de la minorité noire en Grande-Bretagne [A Different Hunger (1982), Communities of Resistance (1991)], la mondialisation et la lutte pour le सोसिअलिसमे.

« La meilleure façon de comprendre la montée du racisme anti-musulman est de la considérer comme une tentative de punir ceux qui résistent la politique impérialiste du gouvernement britannique. Les racistes mènent leur bataille sur le terrain de la religion, mais leur véritable objectif et de confronter et battre les opposants à l’impérialisme.
En Grande-Bretagne, cette bataille prend aujourd’hui la forme d’une attaque contre le multiculturalisme – une politique qui a fait consensus pendant plus de 30 ans. Comme disait le ministre de l’intérieur de 1965 à 1967, Roy Jenkins (2), “ L’intégration n’est pas un processus d’assimilation qui réduit tout le monde au même niveau, mais l’égalité des chances, accompagnée d’une diversité culturelle dans un climat de tolérance mutuelle. ”
Le multiculturalisme consistait à reconnaitre qu’il y aurait des différences culturelles entre les citoyens britanniques – et c’est cette notion que le gouvernement actuel de Tony Blair cherche à remettre en cause. Le multiculturalisme est venu d’un mouvement antiraciste centré sur les travailleurs immigrés venus du sud de l’Asie et des Antilles après la deuxième guerre mondiale. Quoique souvent hautement qualifiés, beaucoup des nouveaux arrivants en Grande-Bretagne sont venus travailler dans les usines, les fonderies, les hôpitaux et les transports où nous occupions les postes les moins rémunérés.
En tant que travailleurs immigrés, nous avions les conditions de logement les plus difficiles et nous travaillions dans des endroits où le racisme était courant. Nous avons dû nous unir pour combattre le racisme dans les quartiers et les lieux de travail.
Nous avons combattu pour avoir le droit à un logement décent, pour des emplois mieux rémunérés, pour le droit de ne pas travailler la nuit et pour le droit d’être considérés comme faisant partie de la classe ouvrière britannique. C’était à travers ces combats que nous avions commencé à utiliser le terme “ noir ”.(3) C’était une description politique qui couvrait tous ceux qui devaient affronter le racisme, plutôt qu’un terme qui décrivait la couleur de la peau – une catégorie que nous avons élaborée afin de rassembler tous ceux parmi nous qui résistaient le racisme.
Nos luttes des années soixante et soixante-dix obligèrent le gouvernement à faire voter des lois interdisant la discrimination raciale et établissant des organismes publics comme la Commission pour l’Egalité Raciale. A beaucoup d’égards, ce fut une tentative d’ “ acheter ” ou de récupérer les mouvements qui existaient sur le terrain. Les autorités avaient peur que, si elles ne faisaient rien, la bataille leur échapperait et que cela alimenterait le radicalisme général qui existait à l’époque.
En 1981 de jeunes noirs de beaucoup de villes importantes se sont révoltés face au racisme. Le gouvernement a nommé une commission présidée par le juge Scarman pour enquêter sur les causes de ces émeutes. Une des conclusions de Lord Scarman était qu’il existait un “ déficit culturel ” chez les Afro-caribéens et les gens originaires du sous-continent indien. Une façon de remplir ce vide était de créer et subventionner des projets et des associations “ ethniques ”.
Le combat pour le multiculturalisme était en passe de devenir quelque chose qu’on peut résumer comme les trois ‘S’ – saris, samosas et steelbands. La “ culture ” ethnique fut accordée la priorité sur tout le reste – c’était la crème qui montait à la surface. C’était une période non pas d’ “ égalité des chances ” (equal opportunity) mais d’ “ égalité d’opportunisme ” (equal opportunism).
Ce processus a conduit rapidement à un glissement du multiculturalisme vers l’ “ ethnicisme ”. On insistait non pas sur ce que les différentes communautés avaient en commun à travers la lutte contre le racisme, mais sur ce qui les divisait sur le plan culturel.
La politique suivie bénéficiait essentiellement aux classes moyennes noires parce qu’elle leur proposait des emplois et une représentation au niveau des autorités locales. Mais elle n’a rien changé pour les jeunes noirs dans la rue, dont beaucoup étaient au chômage ou avaient un travail sans intérêt et sans perspectives.
Malgré ces limites, je suis toujours convaincu que le multiculturalisme doit être défendu contre ceux à droite qui ont hâte d’annoncer sa mort.
Aujourd’hui les forces de la mondialisation essaient de nous uniformiser culturellement et de nous obliger tous à adopter une culture unique – celle de l’économie libérale. Pour elles, le multiculturalisme est une barrière parce qu’il légitime l’idée de la diversité.
C’est pour cette raison qu’il est détesté par les partisans de la mondialisation néo-libérale qui nous disent que nous devons tous adhérer à l’idée de “ Britishness ”, comme si l’identité britannique était synonyme d’une seule et unique culture.
Cette notion de “ Britishness ” omet complètement la contribution faite par les immigrés à ce pays. Mais je ne parle pas ici de la contribution économique que presque tous les politiciens admettent facilement, mais de la contribution politique que nous avons faite à travers nos mouvements de résistance.
Lors que nous sommes venus ici et que nous avons découvert la discrimination, nous avons dit : “ Mais où est votre justice et votre fair-play britannique ? ” En le faisant, nous avons aidé à changer la culture dominante. Ceci est un fait qui est largement reconnu – mais quand ceux qui sont contre la politique étrangère de ce pays critiquent le gouvernement on leur dit que leur comportement est “ anti-britannique ”.
Donc l’attaque contre le multiculturalisme est menée au nom de “ l’identité britannique ”, et ceux qui la mènent justifient leur position en disant qu’ils sont contre la division et l’ “ auto-ségrégation ”.(4) Mais ils feraient mieux d’examiner les raisons économiques qui poussent à la ghettoïsation de certaines communautés noires.
Ils concluraient que ce sont les mêmes raisons qui expliquent pourquoi les Afro-caribéens et les Indo-pakistanais vivaient dans des logements de qualité inférieure dans les années cinquante et soixante. Parce que nous devons affronter le racisme, nous avons plus de chances d’être pauvres et donc d’habiter les quartiers les plus pauvres. L’idée que nous choisissons de vivre dans la pauvreté est un non-sens. Loin de vouloir rester à l’écart, il est clair que là où les musulmans ont la possibilité d’interagir avec d’autres communautés, ils le font avec beaucoup d’enthousiasme.
Le devoir de la gauche dans ces circonstances est de nous impliquer dans toutes les luttes contre la discrimination et le racisme dans nos quartiers.
Nous devons participer à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier qui implique tous ceux qui se sont installé récemment dans ce pays.
En même temps, nous devons faire le lien entre ce qui se passe localement et ce qui se passe dans le reste du monde.
C’est l’impérialisme et la “ guerre contre le terrorisme ” qui a conduit à cette montée du racisme sous une nouvelle forme. Le combat contre le racisme doit également être un combat contre l’impérialisme. »
NOTES (1) Institute of Race Relations : www.irr.org.uk A. Sinanandan a été interviewé par Yuri Prasad. L’article a été publié dans Socialist Worker (G-B) le 23 octobre 2006 : http://www.socialistworker.co.uk/article.php?article_id=9972 Traduction française et notes de Claude Meunier. Cette interview paraîtra dans le n° 17 de la revue Socialisme International : www.revue-socialisme.org (2) Représentant de l’aile « modérée » du parti travailliste, Roy Jenkins était ministre de l’intérieur à une époque où l’immigration était au devant de la scène politique. (3) Jusqu’aux années soixante, on parlait plutôt de « gens de couleur ». L’influence du mouvement américain du «pouvoir noir » s’est fait également sentir en Grande-Bretagne à cette époque. (4) C’est un argument utilisé aujourd’hui par ceux qui, comme le ministre travailliste Jack Straw, font campagne contre le port du voile.

Charte pour une alternative au libéralisme

Charte pour une alternative au libéralisme

Sommaire
Charte pour une alternative au libéralisme
1 - Sécuriser l’emploi et augmenter le niveau de vie
2 - Installer un socle de droits individuels et collectifs
3 - Réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes
4 - Reconquérir les services publics et élargir l’appropriation sociale
5 - Refonder les politiques publiques et dégager les moyens d’une alternative
6 - Assurer un renouveau démocratique
7 - Initier un nouveau type de développement
8 - Construire une autre Europe dans un autre Monde

Charte pour une alternative au libéralisme
Les Assises nationales des collectifs du 29 mai et l’adoption d’une Charte pour une alternative au libéralisme au printemps 2006 constituent un événement politique important. L’esprit du 29 mai est bien vivant : le rejet du libéralisme est toujours là, l’exigence d’une alternative grandit.
Après le non au Traité constitutionnel européen (TCE) exprimé le 29 mai 2005, après la formidable mobilisation victorieuse des jeunes et des salariés contre le CPE, alors que se développe une action citoyenne d’ampleur pour les droits des migrants, les forces politiques, associatives et syndicales qui ont été motrices de la victoire du non au référendum, il y a un an, se retrouvent aujourd’hui pour proposer les bases communes d’une alternative au libéralisme.
Dans les luttes comme dans les urnes, nos concitoyens ne cessent d’exprimer le rejet des politiques libérales qu’on veut leur imposer depuis vingt ans. Et le 21 avril 2002 est là pour rappeler que notre peuple ne se satisfait plus d’une simple alternance. Il est temps d’ouvrir une véritable alternative et notre Charte se veut une contribution essentielle à ce débat.
Les politiques néolibérales, caractéristiques du capitalisme de notre temps, se développent depuis plus de vingt ans à l’échelle de la planète. Remettant en cause plus de deux siècles de luttes sociales et démocratiques, elles orchestrent un véritable recul de civilisation.
Cette offensive tous azimuts a pour objectif de modifier substantiellement le partage des richesses au bénéfice des profits et des détenteurs de capitaux, d’élargir la sphère du marché, de la concurrence et de l’appropriation privée, et de mettre l’économie hors de portée de la volonté démocratique.
Tous les pays industriels du Nord ont été dominés par ce dogme libéral : trop de contraintes, pas assez de fluidité, trop d’État et trop de réglementations sociales... Résultat : les profits se sont envolés, tandis que la part des salaires dans les richesses produites a baissé de dix points en vingt ans. Dans le même temps, les pays du Sud ont subi de plein fouet la libéralisation du commerce mondial et des politiques « d’ajustement structurel » particulièrement brutales
C’est cela qu’il faut changer. Cela implique que soit contestée la logique du libéralisme et de lui opposer d’autres finalités et d’autres méthodes.
Contrer l’offensive libérale Pour maximiser les profits du capital, les libéraux ont imposé partout les mêmes règles et méthodes.
Ils baissent le « coût du travail », désengagent les entreprises du financement de la protection sociale et entreprennent une baisse généralisée de la fiscalité sur le capital. À l’échelle planétaire, comme à celle de l’Europe, ils cassent la solidarité et amplifient le dumping social, fiscal et environnemental.
Partout, au nom de la prétendue nécessaire « fluidité » ou « flexibilité », ils font reculer l’essentiel des droits collectifs et des mécanismes de solidarité, misant sur une insécurité sociale qui amplifie les replis individualistes au détriment des résistances collectives. Une logique de régression absolue a ainsi commencé à s’installer : les nouvelles générations vivent plus mal que celles qui les ont précédées !
Ils élargissent constamment la sphère du marché en libéralisant les échanges et en faisant de l’éducation, de la culture, de l’information, de la santé et du corps humain lui-même de simples marchandises. Ils privatisent des entreprises industrielles et des services publics en ouvrant massivement le capital. Ils ponctionnent les revenus du travail et les orientent vers les marchés financiers en développant les systèmes assurantiels et les fonds de pension. Ils mettent au cœur de la dynamique économique la spéculation financière mondialisée, au détriment des investissements matériels et des dépenses sociales.
Ils privent l’État de toutes ses fonctions de régulation et de répartition tout en renforçant ses instruments de coercition et de contrainte sur les « classes dangereuses » et les individus. L’Etat social a été remplacé par l’État pénal. L’État a redéployé ses missions et renoncé à agir volontairement sur l’activité économique par sa fiscalité, ses instruments de crédit ou son secteur public. En même temps, partout reculent les instances de concertation et de décision plus ou moins démocratiques, remplacées par un petit nombre de décideurs publics ou privés, d’ experts ou d’instances dites « indépendantes » (Banque centrale européenne, autorités de régulation...).
Avec leur ultralibéralisme, ils imposent partout, et notamment en Afrique, un système de dépendance de type néocolonial qui accélère la liquidation de la paysannerie et élimine toute possibilité de souveraineté alimentaire. Pour de nombreux états, cela se traduit par un recul absolu des indicateurs les plus vitaux du développement humain.
Les résultats de ces choix, suivis obstinément depuis plus de vingt ans, dans le cadre de pouvoirs de droite « néolibéraux » ou de pouvoirs de gauche « sociaux-libéraux », ont abouti à des effets désastreux.
Le chômage est maintenu à un haut niveau et la précarité se développe largement, les deux exerçant une pression sur les salariés et encourageant à la résignation.
Le recul de l’État social et la montée de l’autoritarisme ont alimenté un doute massif sur l’action publique, ont favorisé les replis et aggravé le désengagement civique dans tous les pays.
La spirale inégalitaire s’est accélérée, après avoir été atténuée dans les trente années précédentes. La pauvreté s’est étendue et s’est aggravée, à l’échelle du monde comme à celle des pays riches eux-mêmes. Pauvreté et précarité ont déchiré les tissus sociaux, exacerbé les discriminations, installé durablement les mécanismes dangereux et violents de l’exclusion, nourri le rejet de l’Autre.
L’environnement s’est un peu plus dégradé, les ressources naturelles ont été gaspillées, notamment au détriment des pays et des régions les plus fragiles. Le modèle de développement capitaliste libéral mène la planète à une catastrophe écologique.
Le monde de l’information, de la culture et celui de la pensée se sont uniformisés avec la concentration croissante et la domination de quelques grands groupes multimédias transnationaux. Les idées libérales forment la trame d’une sorte de pensée unique : le capitalisme et sa « concurrence libre et non faussée » seraient devenus l’alpha et l’oméga de toute organisation sociale, certains allant jusqu’à décréter la « fin de l’Histoire ».
La révolution technologique informationnelle a ouvert de nouveaux espaces d’affrontement entre la logique de l’appropriation privée et de la défense des biens communs devenus fondamentaux dans le fonctionnement de l’économie, de la société et de la démocratie.
Depuis plus de vingt ans, nous avons pu mesurer les effets de ce véritable projet de société, faisant des indicateurs des marchés financiers la norme et le critère de toute rationalité, publique ou privée. Nous avons pu mesurer la nocivité de ces choix quand ils étaient mis en œuvre par des gouvernements de droite, en connivence avec les institutions patronales. Mais nous avons pu voir aussi combien étaient désastreuses toutes les politiques de gauche qui, d’une façon ou d’une autre, partaient du postulat qu’il fallait bien s’accommoder de ces normes capitalistes et libérales.
Dans tous les pays d’Europe, les salariés ont mené de nombreuses luttes contre tous ces processus. Des grèves et des manifestations imposantes ont eu lieu ces dernières années, notamment en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Grande-Bretagne ou en France, contre les démantèlements des systèmes de protection sociale et de retraite ou les législations du travail. Une série de scrutins ou de référendums ont également témoigné du rejet massif des politiques libérales. Il s’agit aujourd’hui de rassembler toutes les forces disponibles, de créer les mobilisations d’ensemble nécessaires en France et en Europe pour un autre modèle social fondé sur la satisfaction des besoins humains.
Construire une alternative Nous savons donc aujourd’hui que le réalisme suppose de retrouver collectivement une autre voie. La source d’une amélioration de l’état du monde n’est pas dans la recherche du profit maximum et dans la marchandisation généralisée.
Notre objectif, c’est la satisfaction des besoins sociaux, le développement des capacités de chaque personne et donc plus de recherche, de qualification, de culture et de démocratie. Cela suppose de répartir et d’utiliser autrement les richesses disponibles, d’instaurer un socle ambitieux de droits collectifs et individuels, de restaurer des politiques publiques actives, de mettre au cœur du projet politique l’appropriation sociale et les services publics, d’instaurer une autre manière de décider de notre avenir commun, de concevoir un « alter-développement », de réorienter la construction de l’Europe et du monde.
Alors que les libéraux organisent le retrait de la volonté collective devant les forces obscures du marché, nous affirmons que l’utilisation des ressources disponibles relève de choix politiques. Il faut donc donner aux collectifs humains les moyens nécessaires pour réaliser les objectifs qu’ils se sont démocratiquement fixés.
De tels objectifs se heurtent aux intérêts des forces et classes dominantes, ils susciteront leur résistance. Leur réalisation sera le résultat d’un mouvement continu articulant mobilisations sociales, débats citoyens et perspectives politiques.

1 - Sécuriser l’emploi et augmenter le niveau de vie
Pour en finir avec la faillite sociale du libéralisme Plus de vingt ans de domination du libéralisme en France, plus de vingt ans à économiser sur les êtres humains pour maximiser les profits. Les résultats sont hélas connus : plus de 5 millions de chômeurs réels, 4 millions de personnes vivant en dessous du seuil officiel de pauvreté - 7 millions si on applique les critères d’Eurostat -, la précarisation de millions de salariés, d’exploitants agricoles, d’artisans. En France comme ailleurs, les politiques libérales conduisent à une faillite sociale.
Nous n’admettons ni la fatalité du chômage ni celle de la précarité. La norme doit devenir celle de la sécurisation de l’emploi, des revenus et de la formation. L’emploi n’est pas une variable d’ajustement mais un droit social qui doit être reconnu par la Constitution et faire l’objet de politiques cohérentes visant à éradiquer le chômage.
Une nouvelle politique fondée sur des principes clairs Il faut rendre effectif le droit à l’emploi. Pour cela, un nouveau statut du salariat est nécessaire, reposant sur trois grands principes : continuité du contrat de travail, obligation de reclassement, financement mutualisé à la charge des entreprises. Le salarié privé d’emploi conserve son salaire et ses droits sociaux (protection sociale, retraite...) et doit bénéficier d’un service public de l’emploi agissant pour favoriser sa formation, qui est un droit, et son devenir professionnel.
Le principe est que tout salarié doit pouvoir disposer d’un emploi stable à plein temps, en CDI, avec la reconnaissance d’un droit à la formation sur le temps de travail. Le CDI à temps complet doit redevenir la norme avec l’objectif de mettre hors-la-loi le temps partiel imposé et les différents contrats précaires.
Construire un nouveau cadre pour le travail et l’emploi Un préalable à une politique alternative en matière d’emploi est la suppression des dispositifs libéraux : abrogation du contrat nouvelles embauches (CNE) et de la loi sur l’égalité des chances (apprentissage à 14 ans, travail de nuit dès 15 ans, clauses de suppression des allocations familiales en cas d’absence...), fin des cadeaux fiscaux et sociaux faits aux entreprises, dont aucun n’a été efficace pour créer des emplois, retour sur les entorses à la durée légale du travail.
Les gouvernements libéraux n’ont eu de cesse de réduire les garanties conquises par de longues années de lutte par les salariés. Il convient de les rétablir en donnant aux salariés et aux services de l’État des moyens réels de contrôle. Pour contrecarrer le droit tout puissant du patronat à licencier, les élus du personnel disposeront d’un droit de veto suspensif et verront leurs pouvoirs élargis en matière d’emploi et de revenu. Il faudra renforcer les procédures de contrôle public en redonnant ses moyens et prérogatives à l’inspection du travail, en rétablissant l’autorisation administrative de licenciement et en la renforçant. Les licenciements boursiers seront interdits par voie législative et les licenciements abusifs frappés de nullité avec obligation de réintégration.
Les concentrations capitalistes ont suscité des cascades de sous-traitances faisant subir aux PME des contraintes de plus en plus lourdes, qui conduisent dans bien des cas à des faillites, au nom de la « concurrence libre et non faussée ». La puissance publique doit mettre un terme à la logique du dumping social en assurant le respect des droits sociaux.
Enfin, les délocalisations doivent faire l’objet d’un contrôle, avec, là aussi, création d’un droit de veto suspensif des représentants du personnel et d’un droit de préemption, voire de réquisition par les salariés et/ou la collectivité des entreprises abandonnées par leurs patrons pour cause de délocalisation ou de suppression d’activité.
Assurer à chacun et à chacune un emploi et un revenu décent Le pouvoir d’achat doit être revalorisé et le droit au salaire garanti ; l’écart des salaires doit être réduit. La première priorité est le relèvement des salaires, revenus et indemnisations les plus bas. En particulier, le SMIC doit être porté à 1 500 euros nets et les minima sociaux doivent être augmentés pour permettre à chacun de pourvoir aux besoins d’une vie décente ; les stages en entreprise doivent être obligatoirement rémunérés. D’autre part, le relèvement des rémunérations du travail, qui doit être indexé sur la hausse réelle des prix et prendre en compte les gains de productivité, est un levier puissant de dynamisme économique. Conjugué à un objectif de plein emploi et donc d’éradication du chômage, il permet de financer des assurances sociales (maladie, retraite, famille) qui demeureront bien entendu mutualisées.
L’action contre le chômage reposera sur trois piliers : la création d’emplois publics pour satisfaire prioritairement les besoins sociaux ; le développement de l’activité économique utile et de l’économie sociale et solidaire ; la réduction du temps de travail à 35 heures pour toutes et tous, sans perte de salaire ni aggravation de la flexibilité ou de l’intensification abusive du travail. Au fur et à mesure des gains de productivité, notre objectif est d’atteindre une semaine de 32 heures : il faut en finir avec l’antienne de la droite et du patronat qui consiste à rabâcher qu’on peut « travailler plus pour gagner plus » : dans le meilleur des cas, on travaille plus pour gagner autant.

2 - Installer un socle de droits individuels et collectifs
Ce qui est vrai sur le plan social et économique l’est aussi pour tout ce qui fonde une société : le libéralisme tend à nous individualiser face au marché, sans réels droits garantis par la collectivité. Il tend ainsi à rogner, voire à supprimer les protections collectives et les droits fondamentaux. A l’inverse, nous réaffirmons non seulement qu’une société doit énoncer un ensemble de droits fondamentaux et universels, mais encore qu’elle doit se donner les moyens de les appliquer en faveur de toutes et tous. Ce qui, en premier lieu, implique de faire de l’extension et de l’exercice des droits une obligation constitutionnelle : l’engagement de l’État pour y parvenir relève d’une obligation.
Aujourd’hui le libéralisme parle « d’égalité des chances » pour mieux masquer l’inégalité profonde des droits. Il fait semblant d’y répondre par des traitements purement caritatifs, misérabilistes et parfois clientélistes. Face à ce « choix » nous remettons le principe d’égalité au cœur de notre projet : égalité sociale, politique, civique, égalité des droits.
Nous reconnaissons et soutenons les spécificités de luttes de telle ou telle partie de la population qui subit des discriminations en raison de son origine, sa couleur de peau, sa condition sociale, son orientation sexuelle ou encore son handicap mais nous avons la volonté d’intégrer ces luttes dans une vision égalitaire, solidaire, universaliste et émancipatrice des droits individuels et collectifs.
Les droits universels concernent le respect de la personne et de son intégrité. Ils comprennent l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de conscience (et son corollaire, la laïcité qui doit être défendue et étendue), la liberté de disposer de son propre corps...
Les droits fondamentaux doivent garantir une vraie place dans la société à toute personne qui y réside et lui permettre l’expression de sa responsabilité pleine et entière.
La primauté de la loi doit être respectée. Cela suppose notamment que soit garanti un accès égal pour tous et toutes :
Aux biens communs de l’humanité tout en garantissant leur préservation : l’eau, l’air, l’énergie, un environnement de qualité...
Aux besoins sociaux fondamentaux : droit à un logement décent, droit à un emploi, droit à la santé, à l’éducation, à une information pluraliste, à la culture, à un revenu minimum garanti, à l’accès à des transports qui puissent assurer la libre circulation de chacun... Cela passe par la création, la restauration et/ou le développement de services publics et cela peut aller jusqu’à la gratuité dans certains domaines. En matière de logement notamment, il doit être possible de recourir facilement à la justice face aux pouvoirs publics lorsqu’ils ne respectent pas le droit.
A l’éducation. Il faut reconstruire un grand service public national laïque de l’éducation (supposant la gratuité réelle), de la maternelle (avec possibilité d’accès dès 2 ans) à l’université, en rupture avec les politiques actuelles qui n’ont eu de cesse de le fragiliser. Ce service public ne souffrira d’aucune inégalité territoriale en matière de financements. Un plan pluriannuel de créations de postes d’enseignants et de non enseignants sera programmé et, plus généralement, un plan ambitieux de lutte contre l’échec scolaire et la ségrégation sociale.
A la tranquillité et à la sécurité publique. Cela suppose de mettre un terme aux politiques sécuritaires développées depuis vingt ans qui ont démontré leur caractère discriminatoire et injuste. La lutte contre la délinquance, les phénomènes de violence, les incivilités, ne doit pas seulement traiter les conséquences par la sanction mais, en premier lieu, s’attaquer aux causes profondes. Elle doit notamment s’inscrire dans une politique globale en matière d’emploi, d’éducation, de formation, de logement, de prévention, de justice. Les forces de police devront conduire leur action dans le cadre d’une déontologie fondée sur le respect des personnes, voir leurs missions réorientées dans le sens de la prévention (d’où la nécessité d’un système de police de proximité) et de l’élucidation des faits, répondre de leurs actes en cas de « bavures » ou de manquements graves aux libertés et droits fondamentaux ; elles devront être soumises à un véritable contrôle citoyen. Elles devront également bénéficier d’une formation citoyenne en ce sens et de meilleures conditions de travail (horaires, locaux...) tout en voyant leur mission réaffirmée par rapport aux polices privées et municipales que nous rejetons.
A une justice indépendante et égalitaire. L’institution judiciaire devra faire l’objet d’une profonde transformation, afin de favoriser l’indépendance de la justice et l’accès égal des citoyens à celle-ci, de promouvoir une politique pénale rééquilibrant le droit à l’avantage des moins protégés, de garantir les droits de la défense, de limiter drastiquement les mesures attentatoires aux droits des justiciables (comparutions immédiates ou mises en détention préventive...), d’assurer la transparence des procédures mises en œuvre. Quant aux prisons, il devra être mis un terme au tout carcéral et aux prérogatives discrétionnaires de l’administration pénitentiaire, tout en respectant et développant les droits fondamentaux des personnes détenues et en les faisant bénéficier de véritables politiques de réinsertion.
A l’exercice de la citoyenneté. Il doit être développé dès l’enfance en facilitant l’exercice de responsabilités par les jeunes mais aussi tout au long de la vie par des assemblées de citoyens effectivement impliquées à tous les niveaux de décision. Le droit d’initiative populaire sera institué. La liberté d’expression et le respect des libertés publiques seront garantis.
A la culture qui favorise l’émancipation des femmes et des hommes, en garantissant l’accès à la création et aux œuvres, notamment par l’école et l’éducation populaire. Cela n’est possible qu’en mettant fin à l’hégémonie de quelques groupes financiers sur la production culturelle. Dans ce cadre, nous défendrons le droit à l’exception culturelle pour tous les peuples.
Aux nouvelles technologies de l’information et de la communication qui prennent une importance grandissante dans tous les domaines : nous refusons qu’elles soient réservées à une minorité.
Des droits pour les salariés : Élargir les droits et les pouvoirs des salariés dans les entreprises.
Rétablir le principe selon lequel les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables pour les salariés que les accords de branche, et ceux-là moins favorables que le Code du travail.
Abroger les lois démantelant la protection sociale. En particulier, prendre en charge à 100 % les soins de santé et rétablir le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, sur la base des 37,5 annuités, avec retour de l’indexation des retraites sur les salaires.
Garantir le respect intégral des libertés syndicales et du droit de grève.
L’égalité des droits opposée à toutes les discriminations :
Abroger les lois discriminatoires à l’encontre des migrants et garantir leurs droits, à commencer par une régularisation des sans-papiers et l’octroi d’une carte de résident de dix ans ; réhabiliter le sens de la fraternité autant que celui de la solidarité. Abroger toutes les lois liberticides.
Lutter conte les inégalités qui frappent les personnes handicapées à de multiples niveaux tels ceux de la scolarité, de l’emploi, des loisirs, du transport et de la représentativité politique.
Assurer le libre choix de son orientation sexuelle et la lutte contre toute forme d’homophobie, de lesbophobie et de transphobie.

3 - Réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes
Malgré des avancées législatives obtenues par la lutte des femmes, les inégalités entre hommes et femmes sont profondément ancrées dans notre société et restent largement tolérées. Ces inégalités dans tous les domaines de la vie ont largement précédé le capitalisme et la mondialisation libérale, mais celle-ci les utilise parfaitement pour en tirer profit. Le taux de chômage des femmes est plus élevé, elles subissent davantage le temps partiel imposé, elles touchent des salaires plus faibles ; elles constituent la majorité des travailleurs pauvres et des chômeurs non indemnisés ; leur retraite est inférieure de 40 % en moyenne à celles des hommes.
Les femmes sont les premières victimes des politiques libérales, elles font face aussi à une offensive réactionnaire, d’ordre moral et religieux, qui fragilise leurs acquis et tend à renforcer l’ordre patriarcal. La question de l’égalité entre les hommes et les femmes doit être au cœur de tout projet de transformation sociale. Il s’agit d’intégrer dans tous les domaines (éducation, formation, marché du travail, administrations...) la lutte contre les stéréotypes sexistes qui enferment les femmes comme les hommes dans des rôles sociaux spécifiques. De même, l’objectif de répartition équitable entre hommes et femmes du travail rémunéré (travail professionnel) et non rémunéré (travail domestique) ainsi que des revenus (application réelle de l’égalité salariale) est la condition permettant aux femmes d’accéder à une réelle autonomie. Enfin, il est de la responsabilité d’une politique alternative de mettre fin aux violences, trop longtemps occultées, subies par les femmes.
Cette orientation générale doit se traduire par la mise en œuvre de droits fondamentaux garantis pour toutes les femmes :
La libre disposition de son corps.
Le droit à l’avortement libre et gratuit ; des moyens supplémentaires pour les centres de planification et d’IVG, la gynécologie médicale et hospitalière afin que ce droit soit accessible à chacune sur l’ensemble du territoire.
Le droit à un emploi à temps plein pour chacune et, dans le cas du temps partiel, le passage immédiat à temps plein pour les personnes qui le souhaitent.
Le droit aux prestations sociales de remplacement (allocations chômage, minima sociaux...) comme droit individuel indépendant de la situation familiale ; ces prestations doivent être suffisamment revalorisées pour permettre une vie décente et autonome.
La mise en œuvre de mesures contraignantes pour les employeurs afin de résorber les inégalités salariales et passer de l’égalité formelle contenue dans la loi à l’égalité réelle ; la reconnaissance des qualifications des emplois dits « féminins » et leur revalorisation.
La prise en charge, par la collectivité et au moyen de services publics adaptés, de la petite enfance et des personnes âgées afin que les femmes ne soient plus contraintes d’assumer ces charges familiales au détriment de leur vie professionnelle.
La lutte contre toutes les formes de violences ; cela passe par une politique publique mettant en œuvre des moyens de prévention, d’éducation et d’information et des mesures en faveur des femmes victimes de violences (lieux d’écoute et d’accueil, maintien dans le domicile pour les femmes qui le souhaitent et dispositif de mise à l’écart du mari/compagnon violent, accompagnement psychologique si nécessaire...).
Le refus de la prostitution et de l’esclavage sexuel. Des dispositifs d’urgence doivent être mis en place pour permettre aux personnes voulant se libérer du système prostitutionnel d’avoir une alternative fiable.
La reconnaissance d’un statut autonome pour les femmes immigrées et la révision des conventions bilatérales, entre la France et certains pays, qui ne respectent pas les droits des femmes.
La reconnaissance des violences sexistes et lesbophobes comme motif pour obtenir le droit d’asile.
La représentation équilibrée des femmes et des hommes (parité) dans la vie démocratique, à tous les niveaux de décision.

4 - Reconquérir les services publics et élargir l’appropriation sociale
Le développement des services publics est la garantie première de la mise en œuvre des droits fondamentaux, de leur accessibilité à toutes et tous, de manière égale sur tout le territoire. La Constitution doit reconnaître leur rôle et leurs principes intangibles : égalité d’accès, continuité territoriale, adaptabilité et solidarité. Ces principes fondamentaux d’une société solidaire sont contredits par la logique de concurrence et de privatisation qui a prévalu depuis une vingtaine d’années.
Pour inverser cette logique, nous agirons en faveur des perspectives et propositions suivantes :
Les privatisations totales ou partielles et les ouvertures du capital seront stoppées et les lois de privatisations abrogées. L’ensemble des services et des entreprises de réseaux concernés doit relever du secteur public, sous forme de monopoles publics (énergie, transports, télécommunications, activités postales, autoroutes...).
A cet effet, les services publics doivent être protégés de la concurrence et les règles européennes actuelles de libéralisation remises en cause. Nous agirons pour le refus de toute directive de type « Bolkestein » et de toutes les directives européennes de libéralisation des services publics ainsi que pour la sortie de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS).
Un vaste plan de rénovation et de développement sera mis en œuvre, notamment en matière de service public de l’emploi, de la santé, de l’éducation, de la recherche, de la justice, de la culture...
Des services publics doivent être créés pour : l’eau, le logement, la petite enfance, le médicament, le traitement des déchets, l’aide aux personnes âgées, aux personnes dépendantes, aux personnes handicapées. En ce qui concerne le logement, la maîtrise publique des sols urbains doit être instaurée, la spéculation immobilière lourdement taxée et les loyers encadrés.
L’exercice des missions de services publics, à tous les niveaux, par des opérateurs publics doit être la règle. En cas de délégation, celle-ci doit être exceptionnelle, limitée et contrôlée, et le retour à un opérateur public doit être possible à tout moment.
La gratuité doit être un objectif pour la plupart des droits fondamentaux : c’est au moins le cas pour la petite enfance, l’enseignement, la santé et les transports publics de proximité. Pour les services qui ne sont pas gratuits, des tarifs abordables et identiques doivent être garantis partout et de façon égale.
La démocratisation des services publics passe par un pouvoir de contrôle et de décision des usagers, des élus et des salariés. Pour déterminer les grands choix (en matière de tarifs, d’investissement, de nouveaux services, de normes de qualité...), il faut combiner le souci de proximité exprimé à l’échelon local avec le respect de l’intérêt général et de l’égalité de tous devant les services publics. Une évaluation doit être faite de l’efficacité des services rendus, de leur organisation et de leurs coûts, non pas d’abord en fonction de règles comptables mais en fonction de la satisfaction des besoins.
La coopération entre les opérateurs publics nationaux doit s’engager au niveau européen. Dans certains domaines (l’énergie, les services postaux, les télécommunications, le transport ferroviaire, la sécurité alimentaire, maritime et aérienne...) la question de la création de services publics européens est à l’ordre du jour.
Les services publics sont un instrument essentiel de la solidarité sociale, de l’effectivité des droits fondamentaux et la garantie de leur accès pour tous sur l’ensemble du territoire ; et pas n’importe quel instrument : ils opèrent une redistribution non monétaire et collective. Ils sont aussi un instrument de la citoyenneté et donc de la démocratie. Ils constituent un mode d’amélioration du niveau de vie des couches populaires en répondant à des besoins sociaux majeurs. Leur essor, décidé collectivement, contribue aussi à la promotion d’un autre mode de développement. Leur extension est un facteur fort de création d’emplois. Les services publics sont une dimension majeure de la transformation sociale.
L’appropriation sociale de toute une partie de l’outil économique est nécessaire pour orienter autrement cet outil. Son champ dépasse celui des services publics et concerne aussi des secteurs stratégiques de l’économie afin de garantir des choix en fonction de l’intérêt général. C’est bien entendu au débat public de trancher ce qui doit ou non relever de la maîtrise publique et le niveau pertinent d’organisation et de contrôle (du local au national). Les modes de contrôle social ne sont pas nécessairement les mêmes selon les secteurs et leur importance stratégique. La question de l’appropriation sociale doit être posée dans l’optique de modifier, pour la détermination de notre destin, le rapport des forces entre le capital et la souveraineté populaire. Il s’agit de donner à la société les moyens de contrôler et d’orienter son développement. L’appropriation sociale n’est pas une condition suffisante de la transformation sociale ; elle en est une condition nécessaire.

5 - Refonder les politiques publiques et dégager les moyens d’une alternative
Pour contredire la logique de la main libre aux marchés financiers, il faut agir avec détermination. Contrairement à ce que disent les tenants du libéralisme, il n’est pas vrai qu’une logique publique de satisfaction des besoins manque aujourd’hui des moyens de ses ambitions. Par exemple, les dix points de produit intérieur brut accaparés en dix ans par le capital au détriment des revenus du travail représentent, chaque année, 160 milliards d’euros. Nous pensons donc que des moyens importants sont mobilisables, dès l’instant où on se fixe le double objectif de répartir autrement les richesses disponibles et de réorienter l’activité économique. De plus, notre politique de réduction du chômage et de revalorisation salariale contribuera aussi à l’accroissement des ressources publiques et de solidarité sociale.
A partir du soutien et de l’intervention populaire et d’une action résolue de l’État, plusieurs types d’interventions et de moyens peuvent être combinés :
L’objectif de politiques économiques publiques (d’investissement, de recherche, d’innovation) doit viser à la satisfaction la plus large des besoins sociaux. Ces politiques doivent se mener dans le cadre d’une planification démocratique et viser notamment le développement de l’emploi, la diversification des activités et l’économie des ressources non renouvelables.
Pour contribuer à cet effort, plusieurs sortes d’initiatives publiques peuvent être prises : création de nouveaux services publics, initiatives en faveur de services publics européens, soutien à la gestion décentralisée de biens publics comme l’eau, encouragement de l’économie sociale et solidaire qui a besoin d’un statut clairement défini.
La fiscalité doit être réformée, selon un principe de justice sociale, afin d’accroître les ressources et les orienter vers les dépenses utiles et non vers les placements financiers. Dans ce cadre, s’imposent la revalorisation de l’impôt sur les hautes tranches de revenus, une taxation plus forte du patrimoine et des fortunes, un relèvement de la fiscalité sur les entreprises, sur les profits non réinvestis, sur les transactions financières et la publicité. La réforme de l’impôt sur le revenu doit ainsi réintégrer dans le droit commun les revenus financiers et ceux de la propriété, ce qui permettra corrélativement de limiter les impôts indirects, et notamment la TVA qui sera supprimée sur les produits de première nécessité. Dans le même sens, les réformes de l’impôt foncier, de la taxe professionnelle et de l’impôt sur les sociétés permettront de taxer les gâchis économiques et environnementaux. La fiscalité locale, particulièrement injuste, sera réformée pour assurer l’égalité fiscale, permettre la solidarité entre les territoires et la péréquation entre les régions les plus riches et les plus pauvres.
Une telle réforme fiscale permettrait de mobiliser les ressources budgétaires nécessaires. Cela suppose bien sûr de mettre fin à la logique du Pacte de stabilité qui limite la dépense publique, aussi bien dans chacun des pays qu’au niveau européen. L’harmonisation sociale passe au contraire par une extension des budgets publics à ces deux niveaux.
Le contrôle des fonds publics sera assuré et démocratisé. La loi élargira en particulier les procédures de contrôle des crédits accordés aux entreprises. Les aides qui sont consenties aux entreprises sous forme d’exonération ou de baisse de cotisations sociales devront, dans un premier temps, être conditionnées au respect par les entreprises bénéficiaires de normes sociales et d’objectifs chiffrés de création d’emplois ; ensuite, ces aides devront être progressivement supprimées. Le débat se poursuivra sur les aides directes accordées aux entreprises qui, dans l’immédiat, seront soumises au respect de stricts critères sociaux et environnementaux. En tout état de cause, une politique alternative s’attachera à transformer en profondeur les mécanismes du crédit : celui-ci sera réorienté dans une logique publique de développement humain et durable. Un pôle public d’institutions financières et bancaires sera mis en place afin de réorienter les ressources vers les besoins sociaux prioritaires et les dépenses utiles.
L’indépendance accordée aux institutions bancaires, à l’échelle nationale et supranationale, notamment européenne, doit être remise en cause afin qu’elles soient placées sous contrôle démocratique et mises au service des objectifs démocratiquement décidés. L’ensemble des institutions financières et bancaires, privées, publiques ou mutualistes, sera soumis à des obligations d’intérêt général, et tout d’abord celle d’assurer un service bancaire de base, universel et gratuit, pour lutter contre l’exclusion bancaire touchant les plus démunis.
Les assurances privées se sont vu ouvrir un boulevard, avec les contre-réformes de la santé et des retraites. Elles doivent être réintégrées dans une logique de service public qui assure la couverture des risques obligatoires.
Le principe des cotisations sociales patronales doit être défendu contre la volonté de désengagement manifestée par le patronat. Dans l’immédiat nous demandons que les pratiques antisociales des entreprises soient surtaxées (contrats précaires, intérim, temps partiel, licenciements...). Si le débat doit se poursuivre sur le dégagement de ressources complémentaires pour la protection sociale, nous affirmons d’ores et déjà notre refus de la logique de fiscalisation sur le dos des ménages voulue par les libéraux.
Par rapport aux entreprises de sabotage financier qu’aurait à subir un programme de transformation sociale, les pouvoirs publics devront avoir la responsabilité et la capacité de prendre toutes les mesures de contrôle des capitaux, nécessaires pour contrer les fuites de capitaux et les délocalisations sauvages.

6 - Assurer un renouveau démocratique
Dans la reconstruction que nous proposons, la dynamique démocratique n’est pas un supplément d’âme. C’est une rupture démocratique que nous entendons promouvoir. Face aux choix dictés par une minorité qui détient tous les leviers de commande, il faut replacer la souveraineté populaire au centre de notre projet démocratique.
Cela passe par la mise en place d’une autre République, d’une Sixième République instaurant un nouveau système politique, d’une République démocratique et sociale, représentative et participative, laïque et émancipatrice. Elle ne doit pas être décidée par en haut : son architecture devra faire l’objet d’un vaste débat national, suivi de l’élection au suffrage universel d’une Constituante, puis d’un vote par référendum.
Cette reconstruction implique d’abord la remise en cause de la monarchie présidentielle et de l’élection du chef de l’État au suffrage universel, la subordination de l’exécutif à l’Assemblée nationale, la généralisation de la proportionnelle, la suppression du Sénat actuel, la désignation par le suffrage populaire des instances décisionnelles, la limitation drastique des autorités prétendues indépendantes qui échappent à la souveraineté populaire.
La souveraineté populaire sera également renforcée par la parité ainsi que par le non-cumul et la limitation du renouvellement de chaque type de mandat. Un statut de l’élu lui garantissant ses droits sociaux et professionnels en fin de mandat sera en revanche créé. Des mécanismes seront instaurés afin de permettre la révocation d’élus coupables d’abus, de corruption ou de manquement grave aux principes démocratiques.
L’égalité de tous sur le territoire sera restauré : la nécessaire décentralisation ne doit être ni le cheval de Troie des inégalités sociales, fiscales et autres, ni le cadre d’une nouvelle féodalisation des territoires et des pouvoirs. Les lois de décentralisation Raffarin seront abrogées. L’organisation territoriale du pays devra être totalement repensée. Un débat sera organisé sur la répartition des responsabilités entre les différents niveaux territoriaux. Des missions essentielles doivent relever de l’échelon national, d’autres compétences revenir aux collectivités dans le respect des principes d’égalité, de service public, de péréquation fiscale et de transparence des procédures de décision.
L’exercice de la citoyenneté sera étendu et les pouvoirs directs des citoyens seront considérablement élargis, avec des droits d’initiative et de contrôle ; la généralisation de la démocratie participative viendra compléter la démocratie représentative. Le référendum d’initiative populaire sera instauré. Les associations, maillon irremplaçable du tissu social, de la démocratie et de l’éducation populaire, bénéficieront des moyens permettant leur fonctionnement indépendant.
Dans la perspective d’une démocratie sociale, de nouveaux droits dans l’entreprise doivent établir en tout domaine la possibilité d’intervention des salariés, de leurs institutions et de leurs organisations. Le système actuel de représentativité syndicale doit être revu afin de permettre aux salariés d’être représentés par les syndicats de leur choix. Cela passe également par l’extension des droits du comité d’entreprise, avec notamment l’instauration d’un droit de veto sur toute disposition contrevenant aux droits fondamentaux des salariés, et son adaptation dans les entreprises de moins de 50 salariés. Le Code du travail devra intégrer le meilleur des conventions collectives de branche et des accords d’entreprise afin de faire converger par le haut les droits des travailleurs. De la même façon, dans les trois fonctions publiques (d’État, territoriale et hospitalière), les droits des institutions représentatives des personnels seront étendus.
En ce qui concerne les élections locales et européennes, les droits démocratiques, déjà accordés aux citoyens européens, seront étendus immédiatement aux autres résidents étrangers. Nous sommes également pour l’extension de la citoyenneté permettant le droit de vote à toutes les élections. Les modalités en restent à définir : droit de vote donné automatiquement aux résidents ou acquisition de la nationalité par ceux-ci.
Le droit à l’information et le droit d’informer, le pluralisme des courants d’opinion, la diversité des composantes du peuple et le débat contradictoire doivent être garantis par la Constitution, rendus effectifs par un service public de l’audiovisuel démocratisé, financés par l’accroissement des ressources publiques, et favorisés par l’essor de média associatifs libérés des contraintes publicitaires.
On ne peut dissocier la question de la démocratie en France de celle de la construction d’une Union européenne qui est souvent un moyen de s’abstraire de tout contrôle populaire. Devra notamment être garanti dans notre Constitution le droit imprescriptible du peuple de refuser une loi ou des règles européennes au moyen du suffrage universel direct.

7 - Initier un nouveau type de développement
La logique du libéralisme est par nature gaspilleuse et prédatrice. À sa place, il convient de mettre en œuvre une conception radicalement différente du développement : économe en ressources naturelles, écologique, respectueuse de l’environnement, centrée sur le développement des capacités humaines et le respect de la diversité culturelle.
L’objectif de la vie économique ne doit pas être la croissance pour elle-même mais l’utilité sociale des activités et des productions. Il faut mettre en place à tous les niveaux de nouveaux indicateurs de développement humain, centrés sur la satisfaction des besoins sociaux, sur le modèle des travaux du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), et ne pas en rester aux actuels indicateurs de croissance comme le PIB.
Un véritable service public de l’environnement doit être constitué pour assurer l’accès de tous aux biens communs et protéger les ressources naturelles vitales. Il devra permettre en particulier le retour à la gestion publique de l’eau et des déchets.
La lutte contre les pollutions doit faire l’objet de mesures contraignantes. Nous refusons le principe des droits à polluer qui exonère les entreprises de leurs responsabilités en la matière.
Une politique des transports qui vise à réduire nettement le transport routier de marchandises, à développer les transports publics de voyageurs et le ferroutage doit être guidée par une logique publique de réduction globale des pollutions. Il faut remettre en cause l’utilisation de la voiture en centre ville et du tout-camion pour le transport de marchandises. Dans ces domaines, une logique de service public est la seule à même de contredire la concurrence, qui pénalise les transports ferroviaires et fluviaux.
En matière énergétique, des choix nouveaux doivent s’imposer autour des principes suivants : économies d’énergie, diversification des sources et promotion des énergies renouvelables ; développement des conditions de transparence et de sécurité ; contrôle démocratique étendu ; respect strict du principe de la maîtrise publique. La constitution d’un pôle public de l’énergie en sera l’outil. Sortie progressive du nucléaire ou maintien d’un nucléaire sécurisé et public : le débat est ouvert. Un contrôle indépendant doit permettre d’assurer la transparence du dossier. Un débat citoyen sur l’avenir du nucléaire sera conduit, de l’information jusqu’à la prise de décision.
Il est temps d’en finir avec les bonnes résolutions sans lendemain et de faire de la lutte contre le changement climatique une vraie priorité. La création d’une Organisation mondiale de l’environnement, dont les décisions prévaudraient notamment sur les normes commerciales en sera la garante. La politique des transports doit être réorientée au niveau européen en tenant compte de cet objectif, à travers une harmonisation fiscale et sociale vers le haut des normes qui encadrent le transport routier et à travers un développement volontariste des transports les moins polluants. Un programme national d’économies massives d’énergie dans les logements et de développement des énergies renouvelables devra remplacer l’inefficace Plan climat adopté par le gouvernement Raffarin.
Nous devons agir pour le maintien de la diversité biologique. La publication d’un diagnostic régulier des espèces en voie de disparition, des sites gravement pollués et des milieux biologiques menacés devra être rendue obligatoire.
Il faut mettre un terme à l’action des firmes qui, au mépris de la volonté des peuples et du principe de précaution, imposent la culture des OGM avec pour seul objectif la soumission des agriculteurs aux semenciers. Les cultures d’OGM en plein champ doivent être interdites, de même que le développement d’OGM à finalité alimentaire. Dans le même ordre d’idée, il faudra refuser clairement toute brevetabilité du vivant.
Par respect du principe de la souveraineté alimentaire, la politique agricole doit remettre en cause les subventions à l’exportation qui déstabilisent les agricultures du Sud. Cela suppose d’organiser les relations commerciales internationales sur d’autres bases que celles de la concurrence généralisée. Les revenus agricoles seront revalorisés, sans pénaliser le consommateur final, en agissant sur les filières de distribution. Les aides à l’agriculture, qui privilégient aujourd’hui les grandes exploitations et l’agriculture productiviste devront être réorientées, en faveur d’une agriculture de qualité, respectueuse du développement durable, qui permette le maintien des emplois agricoles aujourd’hui menacés. Ces orientations doivent aussi s’appliquer dans le secteur de la pêche, actuellement confronté à une diminution inquiétante des ressources halieutiques.

8 - Construire une autre Europe dans un autre Monde
Un choix fondateur L’Europe constitue pour nous, collectifs du 29 mai, un enjeu particulièrement décisif : la signature de la France devra être définitivement retirée au bas du TCE. Nous proposons que l’Union européenne abolisse la primauté donnée au principe du respect de l’économie de marché, où la concurrence est libre et non faussée. Les traités actuels qui régissent l’Union seront abrogés et remplacés par de nouveaux textes fondateurs. Un processus démocratique et populaire pourvoira à ce remplacement. Sa méthode (processus constituant, renégociation des traités...) doit être débattue.
Des orientations claires L’Europe que nous voulons sera une Europe sociale, qui intègrera les conventions démocratiques et sociales internationales existantes, énoncera et concrétisera les droits sociaux fondamentaux, respectera le principe de non-régression et instituera un droit social européen contre les logiques de concurrence et de dumping. Des normes de salaire minimum, de minima sociaux et de droits sociaux fondamentaux, seront fixées selon des modalités permettant la convergence par le haut. Un budget communautaire conséquent et une harmonisation des fiscalités du capital conforteront ces évolutions sociales.
L’Europe que nous voulons sera celle de l’emploi en mettant en œuvre une coordination de la lutte contre le chômage et la précarité. À cet effet, le Pacte de stabilité sera dénoncé et il sera mis fin à « l’indépendance » de la Banque centrale européenne, dont les statuts et les missions seront révisés. Une réduction simultanée du temps de travail permettra de créer des emplois, tandis que des dispositifs seront instaurés contre les licenciements collectifs et les délocalisations. Une politique coordonnée de croissance socialement utile sera impulsée en matière de grands réseaux transeuropéens de transport et d’énergie, de recherche et développement des technologies nouvelles, de logement, de rénovation urbaine, de transports collectifs.
L’Europe que nous voulons sera celle des services publics. Les libéralisations en cours seront stoppées et les conséquences sociales des libéralisations passées feront l’objet d’une évaluation publique. La coopération entre les services publics de réseau permettra l’émergence d’une dynamique de services publics européens. Ces services doivent trouver une place centrale dans le droit fondamental de l’Union et être placés hors du champ de la concurrence. Cela suppose de les exclure des négociations commerciales internationales de type AGCS.
L’Europe que nous voulons impulsera un nouveau type de développement. Une charte fixera les ambitions européennes d’un « alter-développement » humain, économe et donc durable. Cela suppose d’agir pour l’expansion du chemin de fer et de la voie d’eau, pour la sécurité maritime, la lutte contre les inondations, les économies d’énergie et l’essor des énergies alternatives, la protection des milieux naturels et l’amélioration des cadres de vie. En matière énergétique, devront primer des choix permettant de promouvoir les économies d’énergie, la diversification des sources et l’énergie alternative renouvelable. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre se traduira par des objectifs chiffrés et la définition de moyens pour les atteindre. La maîtrise publique de la sécurité vis-à-vis du nucléaire et la recherche sur l’élimination des déchets en matière d’énergie nucléaire seront développées.
L’Europe que nous voulons sera celle de la relance démocratique. Une nouvelle charte des droits et libertés - intégrant la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 - sera élaborée démocratiquement et son application sera impérative pour tous les états de l’Union. Les institutions fonctionneront selon le double principe de la souveraineté populaire et de la subsidiarité. Elles reposeront sur une citoyenneté européenne élargie, sur des droits d’initiative citoyenne renforcés, sur un renforcement des pouvoirs du Parlement européen pour réduire les prérogatives de l’Exécutif, et sur une coopération plus solide avec les parlements nationaux.
L’Europe que nous voulons sera celle de la solidarité et de la paix. L’Europe annulera la dette des pays du Sud, augmentera son aide au développement, reconnaîtra aux pays du Sud le droit de protéger leur appareil économique et agira pour empêcher la confiscation des biens naturels et la marchandisation du vivant par les multinationales. Elle recherchera d’autres modalités de coopération, hors de tout impérialisme économique, technologique ou culturel. Elle bannira tout soutien et toute intervention militaire au profit de régimes dictatoriaux et autoritaires ; elle coopérera avec les sociétés civiles. Elle agira partout en faveur du désarmement et de la paix, de l’abaissement des budgets militaires et d’un processus de dénucléarisation. Elle rompra avec la politique agressive développée par les Etats-Unis et s’émancipera du cadre de l’OTAN, qui ne doit en aucun cas être tenue pour une institution européenne. Les troupes de pays membres de l’UE qui interviennent dans ce cadre sur divers théâtres d’opération (Afghanistan, Irak...) doivent être retirées. L’Europe refusera la banalisation et l’emploi de l’arme nucléaire.
Pour une Europe agissant pour un autre monde Ainsi conçue, l’Europe sera un levier pour construire une alternative à la mondialisation capitaliste, injuste et belliciste. Elle saura promouvoir une logique de la solidarité qui supplantera l’inégalité croissante qui résulte de la libéralisation effrénée. Cela suppose de contredire partout les normes édictées par les multinationales, le G8 et les institutions financières internationales. Cela implique, entre autres, de remettre en cause la logique et le mode de fonctionnement de l’OMC ; de subordonner les normes commerciales aux normes sociales, sanitaires et environnementales ; de lutter contre les paradis fiscaux et judiciaires ; d’établir les relations Nord-Sud basées sur la logique du codéveloppement, ce qui signifie en premier lieu que les peuples et les nations redeviennent maîtres de leurs richesses naturelles ; d’annuler la dette ; de refonder les institutions internationales ; d’abonder le fonds de développement culturel à destination des pays du Sud prévu dans la Convention pour la diversité culturelle de l’UNESCO.
Une ambition pour la France En s’engageant en faveur de telles orientations, la France constituera un point d’appui pour tous ceux qui veulent changer l’Europe et le monde. En effet, la mise en œuvre de ces ambitions ne pourra se faire par de simples négociations diplomatiques, mais par le déploiement d’un mouvement populaire européen susceptible de bousculer les résistances et d’imposer une autre perspective. Il y faudra de l’énergie et de la constance : dans ce domaine comme dans d’autres, les forces du libéralisme tenteront par tous les moyens de préserver leurs intérêts. Nous ne construirons pas une autre Europe seuls et cette construction demandera du temps. Cela ne doit pas empêcher la France de promouvoir dans toutes les instances internationales les idées et les principes que nous avons développés.
Conclusion En choisissant le « non » le 29 mai 2005, la majorité du peuple français n’a pas renoncé à construire une voie singulière qui s’oppose à la primauté du marché sur l’intérêt général des populations. Or le projet de la mondialisation libérale repose sur une mise aux normes généralisée de l’ensemble des sociétés. Les libéraux ne peuvent donc tolérer une exception d’une telle ampleur. C’est pourquoi leur hargne s’est exprimée si fortement contre le choix libre des citoyennes et des citoyens et qu’ils n’ont de cesse de leur faire abandonner toute velléité de résistance au nouvel ordre capitaliste mondial.
L’enjeu des mois et des années qui viennent est donc de savoir si cette aspiration à une alternative sera suivie d’effets et confortée ou si, à l’inverse, les libéraux parviendront à engager la normalisation de notre pays et son alignement sur le cours dominant de la mondialisation libérale.
Cette question ne concerne pas seulement notre pays, son identité, l’avenir de ses conquêtes sociales et de son exigence républicaine. Elle concerne tous ceux dans le monde qui cherchent à promouvoir une alternative aux logiques du système actuel. Notre pays peut en effet redevenir un point d’appui pour tous ceux qui luttent contre les injustices du monde, contre l’appropriation de leurs propres richesses par quelques groupes privés et contre la domination des Etats-Unis. Si la France adhère aux orientations que nous proposons, son choix résonnera bien au-delà de ses frontières. Il parlera aux peuples qui se lèvent partout en Amérique du Sud après les désastres que leur a infligés un ultralibéralisme conquérant, il touchera les victimes de la pauvreté de masse et de l’inégalité sociale qui a explosé dans les pays d’Europe de l’Est pour les mêmes raisons, il représentera un espoir pour les pays du Sud abandonnés à la tyrannie du commerce libre. Il sera un point d’appui pour tous ceux qui cherchent à relever la tête et à trouver les voies de leur émancipation.
Suricate